50 ans - Laïus de Valérie
Voilà, François,
t’as cinquante ans et je me suis dit : de toutes les personnes réunies
ici, à part maman, c’est moi qui te connais depuis le plus longtemps…oui
moi, c’est Valérie, la petite sœur née treize mois
après François .
Alors, il fallait que je marque le coup. Je me suis dit : je vais faire un petit
poème mais ce n’est pas facile, comment faire ?
Je pourrais parler de ta vie et dire, à la manière de Victor Hugo
:
Ce siècle avait déjà vécu cinquante quatre ans
De Gaulle anéanti Hitler et les Allemands
Alors dans Sainte-Adresse, cité résidentielle
Jeté comme une graine envolée dans le ciel
Naquit d’un sang gascon et normand à la fois
Un enfant sans couleur, sans regard et sans voix
Cet enfant qui commençait tout juste à vivre
Et qui ne survécut que grâce à un coup d’ cidre
C’est toi !
Franchement, je trouve ça un peu emphatique…
…à la manière de Raymond Queneau :
Je naquis au Havre un trente du mois d’juillet
Mil neuf cent cinquante quatre
Ma mère était chrétienne et mon père chrétien
Ils trépignaient de joie
Du coup, c’est ridicule…
…mais après tout, c’est un anniversaire et on peut s’apitoyer
sur le temps qui passe,
à la manière de Corneille :
O rage, ô désespoir, ô vieillesse ennemie,
N’ai-je donc tant vécu que pour ce samedi
Et ne suis-je blanchi dans mes congés payés
Que pour voir en ce soir tous ces gens rassemblés…
Ou de Ronsard :
Donc si vous me croyez frangin
Tandis que votre âge à point
Dans sa plus verte nouveauté
Cueillez, cueillez votre jeunesse
Comme à cette rose la vieillesse
Fera ternir votre beauté
Mais, après tout, ce qui compte, c’est le message que veut laisser
François…
…à la manière de La Fontaine :
Travaillez, prenez de la peine
C’est le fonds qui manque le moins
Ainsi, François, n’étant pas dans la peine
Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins
Mes chers enfants, ne croyez pas aux heureux sorts,
Souvenez-vous, c’est le travail qui est trésor
Bref, tout ça manque d’à-propos…alors, je me suis
dit : fais-le et j’ai donc composé cette petite poésie qui
s’intitule :
« Odelette à François, pour ses cinquante ans, à
ma manière complètement gnangnan «
Cinquante ans, cinquante ans, passent les ans et pourtant
Qu’la mi-temps, t’as tout l’temps, cinquante ans, cinquante
ans,
Oui, voilà cinquante ans, heureux événement,
Naquit l’aîné du clan, oui déjà cinquante ans
O ce fœtus grimaçant mais qu’il est blanc
Pense son papa peu tolérant pour son enfant
Quant à maman, son regard est plus indulgent
Se penchant, elle dit : on n’en demandait pas tant !
Passent les ans, que devient l’enfant maigre et blanc ?
Sa sœur l’a détrôné, contre elle, il a une dent
Et s’il n’est pas vraiment méchant, le garnement
Il a du temps pour se venger, l’asticotant
Déclenchant des hurlements et papa rentrant
Après tout’une journée de labeur éreintant
Crie : « Que fis-je au Bon Dieu pour avoir cet enfant ?
Et vlan et vlan sacripand, prend ça et va-t’en ! »
Ah quel soulagement quand il part pour Fécamp
Voir ses cousins ; pour ses sœurs, c’est le temps du bon temps.
Passent les ans, le chenapan tout tremblotant
Au bord de l’océan n’a rien d’un conquérant
A l’école, il est lent et plutôt fainéant
Il prend son temps, passe ses classes cahin-cahant
Alors, rouspètant, de pension le menaçant
Papa s’enflamme : quoi de son sang un rond-de-flan ?
Ou encore un mutant ? un génie végétant ?
Passent les ans, et les parents, enfin contents
D’le voir craquant dans sa tenue de communiant
Ou de petit scout chantant près du feu de camp
Mais que s’passe-t’il ? François, d’un coup, devient
très grand
Très grand, très grand, si grand qu’on dirait un géant
Mais les parents s’affolent ; il vire au mécréant
Non, dit Papa, tu ne sortiras pas du rang
Chez les Lagarde, pas d’adolescent déviant
Au boulot, mon enfant, sois étudiant à Rouen !
Passent les ans, bon an mal an, cahin-cahan
Etudiant ? François ? non, il n’a pas vraiment l’temps
Cuisinant, bricolant, rencontrant des tas d’gens
De temps en temps pris d’engouements, s’enthousiasmant
Pour un passe-temps, trouvant le temps à vingt-deux ans
De publier les bans et en fanfare musicant
Et rataplan, vient déjà le temps d’ses enfants
Passent les ans, et voilà François auscultant
Prescrivant des médicaments et des pansements
Remplaçant épatant et pourtant…hésitant
…Finalement, il sent qu’il n’a pas ça dans l’sang
Alors, prend son élan, sa voie il est grand temps
De la trouver et cependant quel changement
François bossant, bossant, gagnant beaucoup d’argent
Maintenant réconfortés les parents, Maman
Savait bien qu’ça s’arrangerait en grandissant
Papa, fier comme un paon, songeant : « Y’en a, là-d’dans
! «
Lui qu’il traitait de gland, hissé au firmament !
Nous, le frère, les sœurs, un peu gros jean comm’devant
C’est frustrant : toujours travailler comme de braves gens !
Bon le temps passe ; je vais vous faire gagner du temps
En escamotant quelques temps forts…un instant…
Passent les ans ! et voyageant presqu’à plein temps
Fendant les océans, survolant les volcans,
Tentant de bourlinguer dans tous les continents
Allant de sables mouvants en terrains glissants
Roulant, voguant, chevauchant, un vrai Juif errant
Et pourtant tous ces ans, ce n’est pas qu’du bon temps
T’as dû serrer les dents dans tous tes ouragans
Garder tellement de cran en temps de mauvais temps
Assurément tu es très fier comme Artaban
De tes enfants, mais court le temps et ils sont grands
Passe le temps, autant en emporte le vent
Cinquante ans, cinquante ans, arrive l’heure du bilan
Court le temps, ne l’tue pas, on t’attend au tournant
T’as quelques cheveux blancs, mais encore toutes tes dents
C’est encore le printemps, trouve un nouvel élan
Voyager c’est usant et pas toujours marrant
Y’a tant et tant d’bons plans ; penses-y…juste à temps
Toi tire-au-flanc ? Tu fais semblant…c’est qu’du clinquant
Etudiant à Cachan, écrire ton roman
Un p’tit boulot planplan à la Porte d’Orléans
Sois étonnant ! te retirer dans un couvent
D’un parti militant pour finir Président
En ciné débutant, qu’on t’voie sur grand écran
Prend l’air du temps, tu crées ton truc au Kazakhstan
Au Yucatan qu’importe mais dans l’environnement
Bon, excuse-moi, François, j’ai pas mis mes gants
Pour ces propos cinglants, nous tous on est confiant
Ce sera comme tu l’sens, réfléchis, prends ton temps
Cinquante ans, cinquante ans, passent les ans et pourtant
Qu’la mi-temps, t’as tout l’temps, François, Bon Vent
!
Copyright Valérie 2004 only for François’s birthday